vendredi 27 avril 2012

Sudpresse fait un tabac au Canada

Les journalistes indépendants de SudPresse sont moins chanceux encore que leurs collègues du Soir : alors que ces derniers ont au moins eu l'assurance de ne pas être sanctionnés s'ils refusaient de participer aux synergies, les premiers, qui sont déjà parmi les moins bien payés de la presse belge,  n'ont d'autre alternative que de mettre fin à leur collaboration. Un respect et une humanité que nous envie même la presse canadienne : http://www.pieuvre.ca/2012/03/30/journalisme-conditions/


jeudi 26 avril 2012

Synergies

Parce que, c'est vrai, la presse manque de moyens, le groupe Rossel a imaginé et laborieusement mis en place des synergies entre ses deux titres phares, Le Soir et SudPresse. Sans en informer les lecteurs évidemment, en feignant d'oublier que les lectorats de ces deux titres ont des attentes a priori différentes et sans égard pour les collaborateurs indépendants. Très nombreux à participer aux éditions régionales, les indépendants sont en effet particulièrement concernés par cette fusion partielle (qui ne dit pas son nom) des deux titres.
Quelques-uns ont, sans égard pour une collaboration qui durait parfois depuis de nombreuses années, été dûment remerciés. Du jour au lendemain, sans état d'âme, bien sûr sans compensation financière, sans droit aux allocations de chômage.
Ceux qui restent voient leur chiffre d'affaires sensiblement diminué (puisque, synergies obligent, ils ont désormais moins d'espace rédactionnel à remplir) et les directions des deux titres refusent catégoriquement de revoir à la hausse leurs droits d'auteur. Cette majoration a par contre été allouée aux collègues salariés.

L'AJP a, le 23 avril, rencontré la direction de SudPresse et celle du Soir. Sans effet comme en témoigne le compte-rendu de cette réunion fait par l'AJP aux collaborateurs des deux titres concernés :

L’AJP a rencontré ce lundi 23 avril la direction du Soir : Catherine Delpérée, DRH ; Didier Hamann, directeur de la rédaction ; Eric Malrain, directeur financier ; Philippe Nothomb, conseiller juridique.

Soulignant d’emblée que l’AJP ne s’oppose pas au principe des synergies, « mal nécessaire » en regard des difficultés économiques de la presse, nous avons formulé 4 demandes :
1. Une revalorisation des tarifs (inchangés depuis une quinzaine d’années),
2. Une harmonisation des tarifs dans le groupe (pour aligner ceux de Sudpresse sur ceux du Soir)
3. Une rémunération pour les publications multiples, selon un montant et des modalités à discuter.
4. Le droit, pour les indépendants, de ne pas entrer dans les synergies, sans perdre leur collaboration avec Le Soir. 

Nous avons aussi avancé une proposition : regrouper les indépendants (qui l’accepteraient) dans une « agence » au sein de Rossel dont les membres indépendants seraient rémunérés selon une formule globale unique, transparente, qui légaliserait et valoriserait la cession des droits d’auteur (voir, ci-dessous, une présentation détaillée de ce projet) 
Dans ce cadre, propose encore l’AJP, le tarif « au signe » pourrait être abandonné pour lui préférer un tarif selon le type de prestation et, dans certains cas éventuellement, selon le support. 


La direction du Soir n’a rien concédé sur ce qui pourrait représenter une dépense pour l’éditeur. 
Ses réponses, pour l’instant sont hélas claires :
1. Pas de revalorisation (ni même simple indexation) des tarifs. 
2. Pas d’harmonisation au sein du groupe
3. Pas de rémunération supplémentaires des droits d’auteur pour les publications multiples puisque :
- Soit l’indépendant a cédé ses droits à Rossel 
- Soit il ne les a pas cédés et, en tant que « gros contributeur », il reçoit déjà actuellement 40 € par mois de « prime » pour ses droits d’auteur.
- soit il est en cession complète à la SAJ et il bénéficie de l’accord collectif entre Le Soir et la SAJ, et il perçoit une rémunération annuelle.

Concernant la quatrième demande de l’AJP, la direction du Soir affirme – contrairement à la position annoncée à Sudpresse – que les indépendants du Soir ont le choix de refuser les synergies (pas de parution de leur papier dans Sudpresse), sans risque de perdre leur collaboration avec Le Soir, l’objectif étant, dixit Didier Hamann, de maintenir en région les équipes d’indépendants propres au Soir.
La direction précise encore que s’il est demandé à un indépendant de retravailler son sujet pour l’autre entité du groupe, il s’agit d’uneseconde prestation, qui doit être payée comme telle, au tarif du journal pour lequel ce travail supplémentaire est presté. 

Et maintenant ?
►Ce rapport est également adressé à la rédaction du Soir. Celle-ci avait voté, le 27 mars, un préavis d’action et elle évaluera les suites à lui donner, notamment en fonction des résultats des discussions de ce 23 avril entre la direction et l’AJP. 

►L’AJP rédige une note pour préciser à la direction du Soir sa proposition d’ « agence » et lister les autres points encore à négocier (les signatures, le périmètre des synergies, la finalisation des conventions de collaboration,…) 

► Nous mettons aussi au courant les sociétés de gestion de droits (SAJ, Sofam, Sabam) et verront avec elles les moyens éventuels à actionner ensemble.
Notre sentiment :
Nous sommes très déçus de cette réunion qui n’a apporté aucun résultat concret malgré nos propositions constructives. Nous espérons que la direction du Soir pourra sortir de son discours « pas un euro pour les indépendants » et que celle de Sudpresse va enfin ouvrir une discussion avec l’AJP. Nous mettrons cette semaine à profit pour examiner les actions utiles (et les discuter avec les indépendants du Collectif sur le forum).

***



Didier Hamann (directeur et rédacteur en chef du Soir), entendant désamorcer le soutien des journalistes du Soir à leurs collègues indépendants, a informé le même jour les premiers (mais pas les seconds) des résultats de cette entrevue :


Bonjour, 

Voici l’état de la question concernant le dossier des synergies pour lequel la rédaction a déposé un préavis d’actions. 

Une délégation de l’AJP a rencontré la direction (ce lundi matin) pour clarifier le dossier des indépendants et plus particulièrement la question du périmètre des synergies, le tarif payé aux indépendants et le respect des droits d’auteur. La direction a souhaité apporter des apaisements sur la volonté de maintenir l’équipe d’indépendants propres au Soir et la volonté de continuer à pratiquer les tarifs spécifiques à notre titre. Une des volontés transmises par l’AJP est d’obtenir pour les indépendants un complément de rémunération pour la publication dans les titres de Sudpresse. Cette volonté ne peut pas être rencontrée dans l’état actuel des possibilités financières. 

En revanche, la direction a répondu positivement à la volonté de certains indépendants de ne pas participer aux synergies. C’est notamment le cas des indépendants qui collaborent pour d’autres titres régionaux et pour lesquels une publication dans Sudpresse serait problématique. La direction a aussi confirmé le principe selon lequel les indépendants qui, à l’heure actuelle, couvrent les mêmes matières pour les deux titres (avec des articles différents) se verraient rémunérés deux fois - une fois par Sudpresse, une fois par Le Soir, comme c’est déjà le cas. 

Le recul offert par les quelques semaines d’application des synergies a, en effet, démontré que la participation des indépendants n’est pas centrale au projet. Concrètement, il faut savoir que, en moyenne, Le Soir publie quelque 5 ou 6 articles régionaux par jour provenant de Sud Presse. Sud Presse dépasse rarement les deux reprises du Soir (en moyenne) par jour pour l’ensemble de ses éditions régionales. Eviter les reprises d’indépendants refusant les synergies ne constitue pas un obstacle insurmontable même si ceci complique un peu la gestion.

La direction a accueilli positivement l’idée novatrice de mettre en débat la création d’agences communes aux deux titres. Ce dossier mérite une analyse approfondie qui nécessite à la fois du temps et de tirer les leçons des synergies actuelles. 

Les nouveaux contrats. 

Les nouveaux contrats d’indépendants ont été finalisés. Ils seront envoyés aux indépendants. Comme évoqué, il restera de la liberté des indépendants de définir le périmètre des synergies. 

Le périmètre. 

Les synergies ont été décrites avec force détails et il est difficile d'aller plus loin dans la précision. 
En revanche, il est exact que plusieurs erreurs se sont produites dans l'application des règles de citation (par exemple, certains articles ont été signés par des "journalistes nationaux" du Soir dans Sudpresse. Des fautes admises par l’édition finale. Il y a lieu, donc, de renforcer les règles sur les citations mutuelles et, surtout, de les clarifier. Nous nous y emploierons.

La SJPS a émis plusieurs demandes que la direction peut rencontrer. 

1. « 7 Dimanche » peut être exclu des synergies. 

2. Les modalités de citation seront mieux communiquées au sein de l’équipe, mais elles sont claires. Pour rappel, nous avons donc deux régimes, celui de la publication simultanée pure et simple (Ex. : X, journaliste de Sudpresse signe dans Le Soir un article cyclisme) ou le régime de la citation (Ex. : Y, journaliste à Sudpresse, écrit dans Sudpresse, "Selon Le Soir, etc."). A l'heure actuelle, la production des journalistes régionaux et sportifs (hors foot) tombe sous le régime de la reprise pure et simple. Le reste est sous le régime de la citation. Une note précise (avec les détails impossibles à livrer ici) sera distribuée à l’édition finale pour éviter les erreurs.

3. La SJPS souhaite que les reprises faites en pages nationales tombent sous le régime de la citation, même si les articles concernés proviennent des éditions. Ce souhait peut être rencontré.

4. La SJPS souhaite que la mention de l'origine de l'info ("Selon Le Soir") intervienne plus tôt, voire dans le premier paragraphe de l’article publié par Sudpresse. Sudpresse se conformera à cette règle… qui vaudra aussi pour nous, par conséquent. 

L’information au lecteur

LA SJPS souhaite que l’on informe les lecteurs, par exemple via un article ou une communication de la rédaction en chef dans les pages médias. Notre réticence provient du fait que l’on risque de donner à nos lecteurs la fausse impression que les rédactions fusionnent. Faut-il rappeler, et nous l’avons vu par les chiffres, que les synergies constituent une partie marginale du contenu offert aux lecteurs. Ceci étant, dans un souci d’apaisement et en entourant la communication de nuances, la direction peut organiser cette information aux lecteurs. 


Je réitère ma volonté de tourner au plus vite la page de ce dossier complexe afin de nous concentrer sur notre défi, à savoir la qualité de notre journal et tout ce qu’elle suppose. Est-il besoin de rappeler que ces synergies ont pour objectif de dégager des moyens pour investir dans des activités destinées à nous aider à sortir de nos difficultés ? Nous avons un travail énorme à fournir pour renouer avec le lecteur et nous devons concentrer toute notre énergie sur cet objectif. Le vrai enjeu n’est pas celui des synergies… 


Didier Hamann
Le 23 avril 2012

Combien gagne un journaliste indépendant

Vous les imaginez en train de tutoyer les chefs d'entreprises et les politiques, ponctuant leurs voyages au bout du monde de pauses dans les meilleurs restaurants, au bras des plus beaux mannequins. Vous n'êtes pas très loin de la vérité... pour les mannequins :-) Car pour le reste...
La profession de journaliste indépendant a ceci de particulier que l'offre excède, de loin, la demande. Ce qui, inévitablement, entraîne un nivellement des tarifs par le bas. Selon l'Association des Journalistes Professionnels (AJP), qui fait un travail remarquable de défense des indépendants via son blog "Pigistes par Pigeons", un freelance percevra 700 euros pour une page pleine dans L'Echo mais 300 euros environ pour le même travail dans Le Soir, une centaine dans La Libre Belgique, 70 à peine pour la même publication dans la DH ou chez SudPresse.
Ajoutez à cela le fait que ces tarifs n'ont pas été indexés depuis plus de dix ans, et l'on comprend que plus de la moitié d'entre-eux doivent se satisfaire de 2300 euros bruts ou moins par mois. Qu'est-ce que ça signifie en net? Le calcul est difficile, il dépend du statut (Marié? Avec enfants?) du travailleur mais aussi de ce que l'on entend par "net" : est-ce simplement le brut débarrassé des charges sociales et impôts ou faut-il soustraire de ce brut tous les avantages auquel a droit un salarié? Dans ce second cas de figure, le plus équitable lorsqu'on reconnaît aux travailleurs indépendants le droit à une couverture médicale digne de ce nom et à trois ou quatre semaines de congé par année, il reste à cet indépendant moins de 1500 euros net par mois. Sans pension digne de ce nom, sans prime d'aucune sorte bien sûr. Et sans espoir d'évolution, le montant des piges et celui des déplacements n'étant même pas indexés. Vous connaissez, en Belgique, beaucoup de métiers (dont les praticiens ont souvent un diplôme universitaire) aussi mal rémunérés?



source infographie : AJP, 2011

Un mot de bienvenue (si l'on peut dire)

Prompte à dénoncer les injustice, les inégalités, les forfaitures, les compromissions ou les faiblesses des puissants, la presse belge n'aime pas se regarder le nombril. Le moins que l'on puisse attendre de ce quatrième pouvoir est pourtant qu'il s'impose à lui-même ce qu'il exige des trois premiers, à commencer par chasser les inégalités plutôt que les entretenir et les institutionnaliser.
A l'origine de ce blog, une discrimination de plus. Une de trop. Celle engendrée depuis le mois de mars par les synergies entre SudPresse et Le Soir, deux titres du groupe Rossel. En gros, les deux titres ont, par souci d'économie, décidé de partager une partie de leur contenu : des articles des pages sportives et régionales de SudPresse peuvent ainsi être repris dans les mêmes rubriques du Soir et inversement. Au mépris, le plus souvent, des signataires de ces articles et notamment de leurs droits d'auteurs.
Plus généralement, ce blog collectif espère attirer l'attention du grand public sur les conditions de travail des journalistes indépendants, véritables soutiers de l'information. De la popote interne? Bien sûr que non. D'abord parce qu'il est de bonne guerre d'éclairer les lecteurs sur les conditions de travail imposées à ceux qui, jour après jour, se crèvent le #@! pour leur fournir une information de la meilleure qualité possible. Ensuite parce que, justement, une information de qualité ne peut être produite sans un minimum de confort : rémunération suffisante, juste considération, bonne hygiène mentale... On ne parle pas ici de l'octroi d'un 13è mois, du passage à la semaine de 35 heures ou du maintien d'une juste retraite, simplement de la possibilité de payer son loyer en fin de mois et d'être considéré comme un travailleur comme un autre. D'autres articles devraient, dans les jours qui viennent, éclairer les lecteur (s'il y en a) sur les conditions de travail imposées ainsi aux travailleurs indépendants.