Parce que tous nos lecteurs ne sont pas journalistes, voici une copie de cette interview :
Journaliste, un métier de rêve? Dans l'absolu, oui. Le
métier reste passionnant : il est varié, intellectuellement
enrichissant, nous permet d'assouvir une partie de notre curiosité et de
rencontrer des gens plus méritants que nous le serons jamais. Il a
aussi des ambitions de service au public : informer sans déformer,
mentir ou trahir, décrypter et mettre en perspective, révéler parfois
aussi. Mais, c'est peu de le dire, les conditions matérielles sont
devenues très difficiles : les plans de restructuration se suivent et se
ressemblent malheureusement, les embauches se font au compte-goutte et
dans des conditions de moins en moins dignes, les piges se font de plus
en plus rares pour les journalistes indépendants. De manière générale,
nous pensons que l'information n'est pas un produit comme un autre,
qu'on ne fabrique et ne vend pas des reportages comme des boîtes de
petits pois. C'est malheureusement de moins en moins vrai et il en va
aujourd'hui de la presse comme de la plupart des secteurs d'activité
économique : contraintes de rentabilité, management de plus en plus
agressif, etc. La pratique du métier est donc souvent très éloignée de
l'image que s'en fait le public, le métier de rêve l'est de moins en
moins.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous regrouper pour créer « Presse-citron » ?
Des synergies ont récemment été mises en place entre SudPresse et le
Soir, essentiellement au niveau des régions. Un article écrit par un
journaliste de SudPresse peut donc se retrouver dans Le Soir et
inversement. La volonté du groupe est de faire des économies d'échelle.
Ces synergies ont été imposées sans aucune concertation, sans que les
journalistes indépendants (très nombreux en région) en soient
officiellement informés, sans communication aux lecteurs et bien sûr
sans compensation financière pour ces indépendants. Ces derniers, parce
que les plus fragiles, font donc les frais de la politique d'austérité
décidée par le groupe Rossel. Nous sommes quelques-uns à nous être
informellement regroupés pour créer le blog Presse-Citron. Le but est
double : attirer l'attention du public sur les conditions de travail
imposées aux indépendants et informer les lecteurs sur ces synergies.
Car nous pensons que cette fusion partielle des rédactions porte
atteinte aux deux journaux : si un lecteur de SudPresse voulait lire des
articles calibrés pour Le Soir, il lirait celui-ci. Et vice-versa. Nous
savons que la presse vit des moments difficiles mais 1/Nous ne sommes
pas persuadés que l'austérité est la seule voie possible, peut-être
faudrait-il d'abord songer à une amélioration qualitative de l'offre
2/Si on nous démontre que des économies sont effectivement nécessaires,
nous déplorons alors qu'elles se fassent une fois de plus sur le dos
des collaborateurs indépendants et de manière aussi brutale.
Pourquoi avoir choisi de vous exprimer, dans votre blog, sous le couvert de l’anonymat ?
Parce que individuellement, nous travaillons avec les deux titres
précités et que la direction de SudPresse a clairement fait savoir que
ceux qui refuseraient que leurs articles soient gratuitement repris dans
Le Soir n'auraient d'autre choix que d'arrêter leur collaboration. Le
même chantage n'est officiellement pas de mise au Soir mais il y a
quelques semaines, deux collaborateurs qui avaient refusé que leurs
articles soient repris gratuitement dans SudPresse ont provisoirement
été interdits de signature. Ils n'ont été réintégrés que parce que la
rédaction s'est mobilisée. En clair, nous pensons que signer les
articles de Presse-Citron nous exposerait à des représailles. D'autant
plus difficiles à assumer pour les indépendants qui collaborent à ce
blog puisqu'ils n'ont pas droit aux allocations de chômage.
Quels sont vos objectifs, à travers ce blog ?
Ce n'est qu'un modeste blog, fait sans moyens et avec peu de temps.
Mais avec celui de l'AJP, il est une des seules plateformes qui informe
le public sur les conditions de travail des indépendants et l'existence
des synergies. Les conditions de travail imposées aux indépendants étant
plus ou moins les mêmes dans presque tous les médias, on ne peut
s'attendre à ce que ceux-ci relayent nos revendications. A notre
connaissance d'ailleurs, seule la RTBF a parlé de ces synergies. Qui
sait, par exemple, qu'une enquête de l'AJP a révélé que plus de la
moitié des journalistes indépendants doit se contenter de 2300 euros
bruts par mois? Que le montant de leurs piges n'a, dans plusieurs
rédactions, pas été augmenté ni même indexé depuis plus de 10 ans? Que
lorsque les synergies ont été imposées, plusieurs collègues ont
immédiatement perdu leur collaboration? Si ces inégalités touchaient un
autre secteur d'activité, la presse s'en offusquerait et le public
serait informé. Ici, personne ne sait rien. Ou feint de ne pas savoir.
Journalistes, passionnés par notre métier, nous avons donc estimé que
ces informations en valaient d'autres et avons choisi de les publier sur
ce blog, faute de pouvoir le faire ailleurs. Nous allons maintenant
assurer une plus grande publicité à ce blog et toute aide en ce sens est
la bienvenue : parlez-en autour de vous, tweetez, facebookez, envoyez
des courriels...
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